Depuis les premières fascinations, les
premières traces sur le papier, c'est dans le silence des images que
je me loge. C'est ce silence, cette absence des mots, des dires, des
signifiés qui fonde ma recherche.
Je cherche à m'absenter de la grille
qu'impose le langage entre moi et le réel – que je ne nie ni ne
détruis.
Je suis un corps : cette
affirmation ne signifie pas que je répudie les activités
intellectuelles ou spirituelles. Elle annonce la possibilité d'un
équilibre naïf – antérieur à la conscience de soi – et la
possibilité d’une perception dénuée de principes ( : dans
le silence des images, regarder le monde sans idéal,
sans opposition).
Les paradoxes sont la part maudite du
bon sens qui s'en effarouche et en ricane comme d’une énigme
loufoque.
Les contradictions s'additionnent et
révèlent l'objet/la chose dans son unité, son intégrité, son
non-sens, son autonomie.
Les interprétations sont aussi
nombreuses que les individus, chacun dans la chambre capitonnée de
ses expériences, de ses références. De cet agglomérat de
significations apparaît un moi convaincant pour qui l'habite et le
nourrit, une identité communicante. Il se modèle et se structure
jusqu'à la boursouflure, l'aveuglement, la dissociation douloureuse
de soi et du monde.
Je pense au portrait de J. Genêt de
Giacometti. Les traits s'accumulent, se croisent, s'enchevêtrent
autour et dans le visage – qui devient portrait – qui se
solidifie. Le portrait ne subit pas de réduction, ni de
rapetissement, mais une densification – l'esprit cultivé ploie
jusqu'à une matérialité originelle. Face à cet acharnement la
psychologie relâche son étreinte.
Les traits jetés sur le papier ou la
toile, fouette la matière jusqu'à ce qu'apparaisse l'os de
Giacometti, le réel délivré – l'écriture d'avant l’écriture.
Les dessins des grottes « préhistoriques » nous
surprennent comme des nouveautés faites par de sales gamins.
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