Nature morte (II)

Mon corps s'achève, depuis longtemps.
Un souffle et de la poussière.
Un thème récurrent dans mon travail : la disparition.
Depuis des lustres, elle est la part intelligible de mes "méditations" sur la mort, ma mort.
Il est impossible de représenter la mort : sinon par analogie, vains clichés et autres crânes ivoire.
La disparition est un lent mouvement interne de la matière. Je vois les modifications de ma peau, les ridules apparaitre, les losanges à la surface de mes mains (mosaïque).
Je collecte des objets que la nature laisse secs, au sol.
Des restes d'animaux et de plantes qui tous finissent en poussière, que je ne peux plus nommer.

Mes travaux entreposés "chez moi" sont mus par cette même dynamique interne qui conduit fatalement au néant.
J'ai toujours rangé, jeté ; mon luxe : l'espace et la lumière, l'air et le temps.
Tic tac, gentiment je décroche et je file à la déchèterie.
Vroum la bagnole s'emplit et décolle.
Non, Virginie, je n'ai pas retrouvé l'arbre que tu voulais.
Merci à tous ceux qui, en échange d'un boulot, m'ont donné victuailles, draps, guitare, livres, fringues, matériaux divers et beaux et variés, du pognon, des bisous, du temps, des espaces. Ces boulots là sont hors de ma portée, ne sont plus à moi, n'existent que comme des objets lointains et "vivants".
Je ne force rien, j'avance sur place.

Dans ces temps de rangement, parfois, vous m'avez reproché de gaspiller. C'est alors que l'on considère que j'ai gaspillé la nourriture que j'ai bouffée, vitale. J'ai un furoncle au bras : trop bu cet été.

Mon travail a affaire avec l'art et avec ma vie. Votre société ne s'est pas intéressée à moi : tant pis pour elle. Mon travail est moral et politique et social. Il pourrit : vive les déchèteries géantes, ces sortes d'usines d'achèvement, de sublimation par le feu.
Je n'ai gardé qu'une centaine de dessins et de petits objets assemblés (eux-mêmes résultent d'anciens rangements), une douzaine de toiles, un diptyque sur portes d'armoire (après Rembrandt), une tête de lit (hommage au kitsch populaire où l'on voit un bleu de travail plié, la basilique dédiée à la petite Thérèse et Pégase qui ricane).

Je ne suis pas mort, et l'appareil photo que je vous ai acheté fonctionne encore !
Et mes doigts et mes yeux et mon cœur et tutti quanti !
Viva la muerte !

Et comme me le disait encore récemment V. Hugo : extravaguons !

Quelques images avant le départ :
























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