Lorsque dire c'est faire
Au théâtre Paul Scarron, place des
Jacobins, au Mans, un soir que l'on jouait « Fuck America »
de Hilsenrath – roman poignant, grotesque (éd. point 2) – je me surprends à
mater du bar la salle du théâtre haute et noire, ses gradins, sa
scène, me retournant je vois sous mes pieds la place des Jacobins,
les vitres du parallélépipède du théâtre municipal, le ciel
gris, violacé, sombre comme une dalle verticale et mobile de béton
neuf où se découpe le faisceau de pierre de la cathédrale. À l'intérieur les lumières sur les visages souriants,
conversant, qui se cachent et se révèlent les uns les autres comme
dans le couloir d'un wagon où l'on se déplace en zigzagant
précautionneusement, chorégraphie d'une humanité qui
aurait choisi enfin la lenteur et la courtoisie dans l'enfermement.
Je fais part à Stéphane Hulot, en
deux mots, de mon désir de photographier ce lieu/dans ce lieu,
parfois, une fois, qu'en sais-je ?
Je me suis lancé ce 5 novembre, avec
cette habituelle méfiance néfaste de m'être abusé moi-même
(c'est peut-être ce que je qualifie de « timidité »),
je pousse la porte.
L'accueil de La compagnie du Théâtre de
l’Éphémère est épatant et ma liberté n'a de limite que
mes incompétences ; ça bosse sans
anicroches, sans cris, les cookies sont formidables et merci de me laisser déambuler dans cette
grande fosse, noire et magique et les recoins attenants.
Ce jour-là c'est la compagnie « À
part entière » qui est accueillie. Le soir on représentera
« Et le ciel est par terre » de G. Poix, bouleversante
et puissante mise en mot de l'incommunicabilité verbale qui semble
condamner à la douleur à perpétuité ces corps humains mutilés
par un deuil qui n'en finit pas de nous entraîner, de nous enterrer.
Une sélection arbitraire de quelques-unes des premières images :
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