Libération Vendredi
12 juin 2015 Page 19 - Extraits
Boris Cyrulnik : Quand on
est malheureux, on a surtout besoin d'être serré par quelqu'un
qu'on aime, de régresser, de bénéficier d'une présence et de
gestes tranquillisants. Ce n'est pas pas ç la psychiatrie de régler
le deuil.
******
Hélène Romano : Les
blessés psychiques ont avant tout besoin d'une vraie reconnaissance
de ce qu'elles ont vécu. Pas de pitié, pas de charité. Et pas de
mots déplacés. Quand vous dites à une mère qui ne sait pas si son
enfant est mort dans un accident de bus : « Ça va
aller, madame », vous niez l'horreur que vit la personne.
Il y a aussi beaucoup d'intervenants qui « forcent » à
parler. On ne doit pas obliger les gens à parler. Pas comme ça. Il
y a aussi des tas de précautions à prendre pour ne pas majorer les
risques de troubles. J'ai ainsi vu des gens regrouper les victimes
d'un incendie face à l'immeuble encore en feu !
******
Hélène Romano : […] Le
deuil n'est pas une maladie. Que les gens soient tristes, qu'ils
pleurent, c'est tout à fait sain : ils manifestent une
souffrance face à la perte.
******
Boris Cyrulnik : […] La
psychiatrie est à la fois nécessaire et abusive. Encore une fois,
le deuil et la souffrance font partie de la vie. Aujourd'hui, on voit
des gens qui se font prescrire des médicaments à la mort de leur
mère, et disent, six mois plus tard : « J'ai honte de
ne pas avoir souffert de ce deuil ». De même que ce n'est
pas à la psychiatrie de régler le problème de ces supposés
« mauvais élèves » sur lesquels on se focalise
aujourd'hui. On est en train d'en faire un problème médical.
Pourquoi pas psychiatriser aussi le premier chagrin d'amour ?
Hélène Romano et Boris Cyrulnik
Je suis victime,
l'incroyable exploitation
du trauma
Ed.
Philippe Duval
collection
Science Psy.
http://www.liberation.fr/vous/2015/06/11/les-cellules-psy-sont-devenues-un-gadget-politique_1327744
Commentaires